Démarche

J’explore le paysage dans ses singularités, ses confrontations, ses ambigüités, ses ambivalences, ses subtilités, en partant de la sensation éprouvée à un moment précis en traversant un lieu. L’inspiration nait de la promenade, l’esprit ouvert plus encore que les yeux.


J’explore le paysage dans ses singularités, ses confrontations, ses ambigüités, ses ambivalences, ses subtilités, en partant de la sensation éprouvée à un moment précis en traversant un lieu. L’inspiration nait de la promenade, l’esprit ouvert plus encore que les yeux.


Après avoir peint pendant plusieurs années des paysages urbains où la nature s’insère, créant un contraste et perturbant la rigueur établie par l’homme, je me rends compte sans l’avoir prémédité que le rapport de proportion et d’importance urbanité / nature s’inverse. L’arbre devient fondamental, c’est un élément du vivant qui s’ancre fermement dans notre décor et nous incite à regarder vers le ciel, à relativiser, à nous réinventer et nous dépasser. Il tient tête au temps qui passe, aux variations multiples, et fait figure exemplaire de force et de résistance. Observateur, protecteur ou confident, il partage notre vie sur une portion et nous survivra, ce qui intime le respect et conduit à une certaine mesure.


J’aime peindre des paysages apparemment dépourvus de présence humaine mais cependant « vivants », chaleureux ou tourmentés, personnifiés. L’humanité peut être palpable parce que les arbres sont éclairés par la lueur d’un lampadaire proche, parce qu’une barrière ou un élément bâti prouve discrètement que la nature est intégrée à un contexte urbain, parce que la fenêtre d’une maison ressemble à un œil qui nous regarde, parce qu’une façade adopte une coloration couleur peau… Les éléments d’un paysage deviennent des personnages.


Ma peinture condense différents temps, avec les émotions, le vécu, liés à chacun de ces temps. D’abord le temps de l’appropriation. En effet, je pratique une peinture locale, de ce qui est fortement familier, de ce que j’ai côtoyé 10,100 ou 1000 fois… je développe un attachement avec mes sujets qui nourrit mon envie de peindre. Cela se fait au fil des promenades, des occupations quotidiennes. C’est une mémoire acquise sur le long terme, par imprégnation progressive. Vient ensuite le moment déclencheur : un jour, je perçois mon sujet d’une façon différente, plus intense, plus profonde, plus crue. Je me sens interpellée, en connivence, presque clairvoyante. Cela résulte probablement à la fois de circonstances extérieures telles qu’un état de la lumière, et d’une disposition particulière de mon esprit ce jour là (une disponibilité). C’est le temps de la révélation (comme un flash, presque un coup de foudre). Vient enfin le temps de la peinture, plus tard, parfois beaucoup plus tard (trois mois, six mois, un an, davantage) à l’atelier. Je me reconnecte à ce que j’ai ressenti en choisissant de peindre mon sujet, ce que j’ai perçu, ce que le sujet m’a exprimé… mais je suis aussi devenue un peu autre, c’est un autre jour, mon esprit est occupé différemment, des choses se sont déroulées dans ma vie depuis, et tout ce que je porte en moi au moment de peindre va interagir avec mon sujet. Le tableau effectue une mystérieuse synthèse de ces temps d’appropriation, de révélation, et d’exécution.


Juliette Lamarca.

Le travail de Juliette Lamarca par Cécile Glasman

J'ai rencontré Juliette en 2020 sur LinkedIn, au moment du confinement.

J'ai tout de suite aimé ses toiles.

Je me souviens de son tableau aux maisons jumelles qui m'intriguait.

Plus tard, à l'automne, je suis allée voir son exposition dans le quartier St Michel, nous portions encore nos masques bleus.

La peinture de Juliette ne cesse de m'émouvoir, j'ai l'impression de ne jamais en faire le tour.

Ses tableaux me parlent, ils me racontent la vie.

Quand je regarde "Lunaire, l'été" j'entends les enfants qui jouent et rient sur la plage.

Sa "Forêt bleue" m'appelle : je voudrais entrer dans le tableau pour m'y promener.

La maison de la toile " Le bouquet " m'inquiète : que se passe-t-il donc dans cette obscurité simplement éclairée par un énorme buisson d'hortensias blancs au premier plan ?

Le travail de Juliette me rappelle celui d'Edward Hopper : puissance de la couleur et sensation d'une autre réalité derrière les apparences.

Je songe au romancier japonais Haruki Murakami aussi et à ses personnages mystérieux, étranges.

Il y a du fantastique dans l'oeuvre de Juliette. Où commence l'imaginaire ? Où s'arrête là réalité ?

Ses maisons, ses arbres ne cessent de m'interroger.

Et c'est parce que je ne trouve jamais de réponse que toujours je reviens vers eux.


Cécile Glasman, juillet 2024